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Système canadien de réglementation des pesticides : évolution plutôt que transformation

Le Canada possède l’un des systèmes de réglementation des pesticides les plus solides au monde. Il s’agit d’un système qui est considéré à l’échelle internationale comme une référence pour ses fondements scientifiques. L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada place la protection de la santé humaine et de l’environnement au premier plan de son processus décisionnel, tout en garantissant que des produits antiparasitaires sûrs et efficaces sont mis sur le marché au Canada afin de soutenir le travail important accompli par les agriculteurs pour produire nos aliments.

Dans le contexte du dialogue actuel, tant à l’échelle nationale qu’internationale, sur la sécurité alimentaire et la durabilité, nous ne devons pas tenir pour acquis le rôle que joue l’ARLA à cet égard. Sans l’accès en temps opportun à des pesticides sûrs et efficaces, les agriculteurs du Canada ne peuvent tout simplement pas produire de façon durable suffisamment d’aliments pour répondre à la demande des Canadiens et de ceux qui en ont désespérément besoin dans le monde.

L’année dernière, une décision politiquement motivée a déclenché le lancement de ce que Santé Canada appelle le programme de transformation de l’ARLA. Laisser entendre que ce système de réglementation de classe mondiale a besoin d’une transformation aussi radicale, c’est méconnaître gravement la rigueur du système et le travail des plus de 300 scientifiques qui se consacrent à l’évaluation des pesticides à Santé Canada.

Des changements ciblés pour un impact maximal

Il y a certainement d’importantes améliorations à apporter au système, mais elles correspondent à une évolution du système actuel et à une mise à profit des succès passés, plutôt qu’à l’immense transformation proposée. En fait, l’ARLA, en consultation avec les intervenants de l’industrie, travaille sur certaines de ces améliorations clés depuis de nombreuses années. Il s’agit d’un long processus visant à déterminer soigneusement les changements significatifs qui pourraient améliorer l’efficience et l’efficacité du système, tout en contribuant à renforcer la confiance du public à son égard. Parmi ces changements, citons :

  1. La modernisation des processus opérationnels, notamment pour permettre un engagement plus précoce et plus significatif avec les intervenants dès que des sujets de préoccupation sont soulevés. Par exemple, un engagement en temps opportun sur les ébauches d’évaluation des risques permettrait de soumettre au public, pour consultation, des projets d’évaluation des risques mieux éclairés. Cela réduirait l’afflux, vers la fin de la phase d’examen, d’informations supplémentaires pouvant entraîner des changements radicaux dans les décisions finales, ce qui atténuerait la confusion au sein du public et renforcerait la confiance dans le système.
  2. L’amélioration de l’accès à des données robustes sur la surveillance de l’eau, ce qui aidera l’ARLA à prendre des décisions plus éclairées, qui reflètent l’utilisation réelle des produits plutôt que des modélisations trop conservatrices. Cela permettra de garantir au public que les mesures d’atténuation des risques fonctionnent et que l’eau est sûre.

Sollicitation de ressources déjà surchargées

Les ressources de l’ARLA étant déjà sollicitées au maximum, une priorisation transparente des initiatives, telles que celles mentionnées ci-dessus, permettrait à l’agence de mieux remplir son mandat principal. Au lieu de cela, nous constatons que les nouveaux fonds dont l’ARLA a désespérément besoin sont dilués dans de nombreux autres efforts de transformation. Plutôt que de réaliser des gains d’efficacité, l’ARLA impose une pression supplémentaire à ses évaluateurs, déjà surchargés.

Le récent travail effectué par l’ARLA, en consultation avec l’industrie, sur la modernisation des processus opérationnels et l’amélioration de l’accès à des données robustes sur la surveillance de l’eau a nécessité des années de mûre réflexion. Il s’agit d’un contraste frappant avec le programme de transformation, élaboré à la hâte, qui semble manquer d’orientation et être davantage régi par les délais que par la qualité du travail.

La Loi sur les produits antiparasitaires répond à son objectif

La Loi sur les produits antiparasitaires (LPA), qui a fait l’objet d’une récente consultation publique dans le cadre du programme de transformation, est l’un des textes législatifs les plus solides et les plus transparents de notre pays. Elle a été élaborée il y a tout juste 20 ans, après des années de consultation. Pas plus tard qu’en 2020, les intervenants ont indiqué au ministre de la Santé que la LPA répondait à son objectif et que les améliorations à apporter au système ne nécessitaient pas de modifications législatives.

Malgré l’actuelle attention accrue du public et des politiciens à l’égard de la LPA, les faits restent les mêmes : des modifications législatives ne sont pas nécessaires, car cette loi continue d’être transparente et protège à la fois la santé humaine et l’environnement.

En réponse à l’intérêt accru du public pour le système de réglementation des pesticides et au désir de renforcer la confiance des Canadiens, les pouvoirs publics devraient s’efforcer de mieux leur expliquer, de manière concrète, le processus de réglementation et la science qui le sous-tend, plutôt que d’essayer de modifier le système existant.

Engagement en faveur d’un processus décisionnel fondé sur la science : les actes sont plus éloquents que les paroles

Dans tout cela, il est primordial que le gouvernement se souvienne de l’importance des parties réglementées, et de l’industrie agricole au sens large, dans ce processus. La réglementation des pesticides est extrêmement complexe, et les titulaires d’homologation de ces produits génèrent une immense quantité de données de haute qualité, qui sont essentielles au processus. En outre, l’industrie agricole est une mine d’informations sur l’utilisation des produits dans le monde réel, informations qui permettent aux régulateurs de prendre des décisions fondées sur la réalité plutôt que sur des modèles. L’industrie de la phytologie – et l’industrie agricole dans son ensemble – devrait être consultée avant toute modification importante du système.

Tout au long de l’année dernière, les pouvoirs publics ont continué à dire qu’ils s’engageaient à prendre des décisions fondées sur la science, mais leurs actes n’ont pas toujours suivi. Au cours de l’été 2021, ils ont annoncé le gel des augmentations des limites maximales de résidus, sans aucune justification scientifique, mettant ainsi en péril la réputation mondiale durement acquise par le Canada en matière de réglementation reposant sur la science. Aujourd’hui, ce gel reste en place, sans que l’on sache pourquoi.

Plus récemment, Santé Canada a mis sur pied un nouveau Comité consultatif scientifique – composé de membres n’ayant pour la plupart aucune expertise agricole substantielle –, qui a pour but de fournir des avis scientifiques à l’ARLA. Ce comité se penchera désormais sur des questions générales et ésotériques, et drainera les ressources en personnel de l’ARLA, à un moment où l’on a désespérément besoin d’une action ciblée. Il semble que la science ne soit pas toujours un facteur déterminant dans le programme de transformation, et nous croyons que c’est une voie dangereuse pour le Canada.

Pour consulter un résumé de la réponse de CropLife Canada à la consultation de l’ARLA DIS2022-01, cliquez ici.


Pierre Petelle,
Président et Chef de la Direction, CropLife Canada

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