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L’édition génique en agriculture est arrivée – le Canada sera-t-il un chef de file ou un observateur marginal?

La prochaine vague d’innovations agricoles est maintenant arrivée et elle viendra compléter les outils déjà utilisés par les phytogénéticiens. Le premier produit alimentaire à modification génique – une huile de soya à haute teneur en acide oléique – a été commercialisé aux États-Unis.

Créer une nouvelle variété de plante est un processus long, complexe et coûteux. Considérez ceci : si les pomiculteurs d’une région donnée sont confrontés à une nouvelle maladie qui endommage leurs cultures, les phytogénéticiens pourraient mettre des décennies à sélectionner une nouvelle variété résistante à l’organisme nuisible et résolvant leur problème. Pas exactement le processus le plus réactif.

Cela ne veut pas dire que les phytogénéticiens n’ont pas révolutionné l’agriculture et la production alimentaire en mettant au point des variétés à rendement plus élevé, résistantes aux ravageurs et plus faciles à cultiver. Un rapide coup d’œil aux fruits et légumes originaux de la nature – maïs aux grains non comestibles et bananes difficiles à peler remplies de graines – montre que les humains ont considérablement amélioré les aliments dont nous bénéficions aujourd’hui.

Plus récemment, le génie génétique a permis aux scientifiques d’améliorer les cultures avec davantage de précision et d’efficacité. Pour ne citer que quelques exemples : le canola et le soya tolérants aux herbicides ont aidé à gérer les mauvaises herbes nuisibles au rendement, tout en permettant l’adoption à grande échelle de pratiques culturales antiérosives, qui ont amélioré la santé du sol et réduit les émissions de gaz à effet de serre; quant au maïs résistant aux insectes, il a amélioré la lutte antiparasitaire pour les agriculteurs.

Alors, pourquoi l’édition génétique est-elle si significative? Il y a plusieurs raisons. La technologie d’édition des gènes, qui englobe un certain nombre de processus permettant d’apporter des modifications précises à l’ADN d’une plante, est accessible et abordable. Tout le monde, des chercheurs individuels aux grandes entreprises, peut utiliser cette technologie pour apporter des améliorations ciblées à des plantes de presque toutes sortes, et ce, plus rapidement et à moindre coût qu’avec la sélection traditionnelle.

Deuxièmement, cette technologie permettra aux scientifiques d’être très prompts à répondre aux défis auxquels sont confrontés les agriculteurs et l’environnement, et de satisfaire aux demandes changeantes des consommateurs. Pensez aux légumes enrichis en nutriments, au blé à faible teneur en gluten, aux fruits et légumes résistants au brunissement pour réduire le gaspillage de nourriture, aux grains de café résistants aux ravageurs pour sauver votre tasse de café, et aux oranges résistantes aux maladies, qui sont si indispensables pour protéger le secteur de l’orange.

Ce qui n’est pas encore certain, c’est la façon dont les systèmes de règlementation partout dans monde, y compris celui du Canada, traiteront les technologies d’édition des gènes. Ce dont nous avons besoin, c’est la mise en place dans le monde entier de règlements intelligents fondés sur la science, qui permettent l’adoption en temps voulu des innovations en sélection végétale, tout en respectant les normes les plus strictes en matière de protection de la santé et de la sécurité de l’environnement et des personnes.

Le Canada peut et doit donner l’exemple au reste du monde en matière de règlementation des innovations en sélection végétale. En fait, il lui faudra le faire si nous voulons atteindre l’objectif ambitieux, fixé par les Tables de stratégies économiques, consistant à faire passer nos exportations de produits agroalimentaires à 85 milliards de dollars par an d’ici 2025.

L’innovation n’est pas simplement une case à cocher. Pour la stimuler véritablement, comme le gouvernement fédéral actuel dit vouloir le faire, nous devons créer des cadres permettant la recherche et développement de pointe. Parler de soutien à l’innovation ne suffit pas.

Certains de nos principaux partenaires commerciaux dans le monde se positionnent pour mettre à profit le potentiel des innovations en matière de sélection végétale. Par exemple, le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) a récemment précisé qu’il n’appliquera pas de règlements supplémentaires aux produits génétiquement édités qui auraient pu être créés grâce à la sélection classique, ce qui encouragera les investissements et l’innovation dans ce domaine.

Le système règlementaire du Canada est respecté à l’échelle internationale pour les principes fondamentaux de son approche scientifique en matière de règlementation de la biotechnologie agricole. Le Canada peut et doit s’appuyer sur cette base solide et tirer parti de deux décennies d’expérience dans ce domaine pour que son système devienne le plus expéditif, le plus prévisible et le plus transparent au monde, ce qui permettra aux grandes et aux petites entreprises d’innover.

Les enjeux sont élevés : si nous n’agissons pas rapidement, les investissements dans l’innovation en sélection végétale iront ailleurs, et les agriculteurs canadiens en paieront le prix sur le plan de la compétitivité à cause du manque d’outils disponibles. Il est tout simplement déraisonnable de s’attendre à ce que des organisations du secteur privé ou public investissent dans la mise au point d’un nouveau produit grâce à l’innovation en sélection végétale si elles ne savent pas clairement comment et dans quelle mesure il sera règlementé.

Au bout du compte, toutes les cultures au Canada, peu importe la façon dont elles sont créées, produites ou transformées, sont soumises à des règlements stricts en matière de sécurité, lesquels protègent depuis longtemps les Canadiens, les animaux et l’environnement.

À CropLife Canada, nous travaillons avec les intervenants de l’industrie et du gouvernement, en réponse aux Tables de stratégies économiques, pour construire sur cette base solide en matière de sécurité et trouver la meilleure voie à suivre. Notre industrie estime que les améliorations suivantes au programme de règlementation des innovations en sélection végétale permettront au Canada de devenir un chef de file.

  • Le programme de règlementation devrait fournir aux innovateurs des indications claires sur ce qui déclenche une évaluation préalable à la commercialisation lorsqu’un produit est mis au point grâce à des innovations en sélection végétale.
  • Le système de règlementation devrait adopter une approche à plusieurs niveaux pour évaluer les produits en fonction de la complexité et de la familiarité, tirant parti de deux décennies d’expérience dans la règlementation des produits de la biotechnologie végétale. Au cours de cette période, pas un seul produit soumis à l’examen au Canada n’a été jugé nocif pour les humains, les animaux ou l’environnement.
  • Dans la mesure du possible, le Canada devrait harmoniser son approche de la règlementation des innovations en sélection végétale, et partager des informations, avec ses partenaires commerciaux clés dans le monde entier, afin de faciliter les échanges et d’aider à la mise en place de programmes de règlementation rationnels à l’échelle mondiale.

En tant que pays producteur de produits alimentaires, le Canada a l’obligation d’adopter l’innovation qui favorise la croissance d’une production agricole durable. Faisons en sorte que nos agriculteurs disposent des outils dont ils ont besoin afin de devenir des chefs de file dans la production d’aliments pour les Canadiens et le monde entier.


Pierre Petelle,
président et chef de la direction, CropLife Canada

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