Centered image right

Le Pacte vert pour l’Europe devrait comporter un drapeau d’avertissement orange

En principe, le Pacte vert pour l’Europe et la stratégie De la ferme à la table qui en découle s’alignent sur ce que fait déjà largement l’industrie agricole mondiale. La stratégie De la ferme à la table souligne la nécessité de rendre les systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement. C’est une vision que nous pouvons tous, je pense, soutenir.

Pour aller un pas plus loin, la stratégie souligne l’importance de réduire l’impact environnemental de l’agriculture, de contribuer à atténuer les effets des changements climatiques, d’inverser la perte de biodiversité, de garantir la sécurité alimentaire, de maintenir les denrées alimentaires à un prix abordable et de promouvoir le commerce équitable. Ce sont tous des domaines dans lesquels l’industrie de la phytologie (science des plantes) est activement engagée.

La durabilité est l’une des principales forces motrices des sociétés membres de CropLife Canada. En fait, bon nombre de nos membres ayant une présence dans le monde entier ont pris des engagements clairs et mesurables pour améliorer de façon importante la durabilité environnementale, sociale et économique de la production agricole.

Ces engagements comprennent des objectifs tels qu’augmenter le rendement des cultures tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, renforcer la biodiversité, améliorer la santé des sols, conserver l’eau, investir pour aider les agriculteurs à atténuer les effets des changements climatiques et s’engager à atteindre la neutralité carbone dans les activités de l’entreprise, pour n’en citer que quelques-uns. Tous ces objectifs s’appuient sur la longue tradition d’amélioration continue de notre industrie, qui a rendu l’agriculture canadienne plus durable aujourd’hui que jamais auparavant.

En outre, l’industrie de la phytologie est depuis longtemps un chef de file dans l’élaboration de programmes visant à gérer de manière responsable le cycle de vie complet de ses produits, par exemple le programme de recyclage des contenants vides. Au Canada, plus de 65 % des contenants de pesticides vides sont récupérés pour être recyclés par l’intermédiaire d’Agrirécup, et la vision que l’industrie poursuit sans relâche est un taux de recyclage de 100 %.

Si j’ai bon espoir que le Pacte vert suscite un mouvement positif vers un système de production alimentaire plus durable en Europe et dans le monde, la propension de l’Union européenne à laisser l’idéologie diriger la politique est inquiétante.

En matière de règlementation des technologies agricoles innovantes, nous voyons des pays comme la France s’écarter des décisions fondées sur la science prises par de nombreux organismes de règlementation respectés dans le monde entier. Le fait que ces pays s’appuient sur une interprétation fallacieuse du « principe de précaution » et sur une approche fondée sur le danger a été dévastateur pour leur industrie agricole nationale et a créé d’énormes difficultés pour les pays qui exportent vers l’Europe.

Au sein de l’UE, les évaluations scientifiques des risques liés aux OGM ont été ignorées au profit de la politique locale. Et récemment, l’Europe a décidé de classer essentiellement dans la catégorie des OGM les cultures issues de l’édition génique, ce qui étouffera l’innovation et privera les agriculteurs européens d’un outil de sélection végétale qui pourrait déboucher sur des cultures utilisant plus efficacement les ressources, nécessitant moins d’intrants comme les pesticides et les engrais, et présentant des qualités nutritionnelles améliorées – autant d’éléments qui contribueraient à une plus grande durabilité dans cette région.

En matière de réduction de l’utilisation des pesticides, la stratégie De la ferme à la table fixe des objectifs arbitraires qui ne tiennent pas compte du rôle essentiel que ces outils jouent pour aider les agriculteurs à protéger leurs cultures et à produire des denrées alimentaires sûres et abondantes. Ces objectifs ne tiennent pas compte non plus des avantages environnementaux que présente le fait de recourir aux herbicides pour lutter contre les mauvaises herbes plutôt qu’au travail mécanique du sol, qui libère des quantités importantes de carbone et nuit à la santé du sol.

En outre, ces objectifs ne tiennent pas compte des progrès incroyables réalisés dans le domaine des pesticides au cours du dernier demi-siècle. Les pesticides qui arrivent sur le marché aujourd’hui utilisent 95 % moins de matière active par hectare qu’il y a 60 ans. Concrètement, cela signifie que les agriculteurs peuvent appliquer des doses plus faibles de pesticides tout en protégeant leurs cultures contre les insectes, les mauvaises herbes et les maladies.

Par ailleurs, l’industrie mondiale de la phytologie investit des milliards de dollars dans la recherche et développement de pesticides biologiques. Les biopesticides sont très prometteurs et pourraient offrir de nouvelles possibilités aux agriculteurs dans leur lutte contre les ravageurs, mais ils ne remplaceront pas complètement les pesticides synthétiques – un point que nous devons garder à l’esprit.

Depuis 2013, l’UE a imposé une interdiction temporaire du recours aux néonicotinoïdes (les « néonics ») dans un certain nombre de cultures, ce qu’aucun autre grand marché agricole au monde n’a fait. La justification de cette interdiction est l’impact des néonics sur les abeilles – un argument que la science ne soutient tout simplement pas. De plus, on ne reconnaît pas la valeur des néonics sur le plan de la durabilité. Les traitements de semences aux néonics ont permis de réduire considérablement la quantité de matière active nécessaire pour supprimer les insectes.

Jusqu’à maintenant, près de la moitié des pays européens ont demandé des dérogations d’urgence pour permettre aux agriculteurs d’utiliser des néonics, car leurs cultures étaient dévastées par des insectes qu’il n’était pas possible de combattre autrement.

Et puis il y a le glyphosate, qui met peut-être le mieux en évidence le dilemme idéologique de l’Europe. Aucun pesticide sur la planète n’a été autant étudié. Les agences de règlementation et les organismes scientifiques du monde entier, y compris ceux du Canada, des États-Unis et de l’Europe, ont tous confirmé son innocuité. Malgré tout, l’UE subit une pression intense de la part de groupes militants pour interdire le glyphosate.

Ces mêmes groupes qui font pression sur l’UE pour qu’elle interdise le glyphosate plaident en faveur de la poursuite de l’utilisation du sulfate de cuivre, un fongicide largement utilisé dans l’agriculture biologique. La différence ici est que l’Agence européenne des produits chimiques l’a déclaré cancérigène et que l’Autorité européenne de sécurité des aliments a déclaré que les composés du cuivre étaient un problème de santé publique et de sécurité environnementale.

Regarder l’Europe essayer de combiner le principe de précaution, le soutien à l’agriculture biologique et le désir d’être perçue comme se fondant sur la science afin de soutenir la durabilité, c’est comme la regarder essayer de faire entrer une cheville carrée dans un trou rond. C’est tout simplement impossible.

Ici, au Canada, nous devons prendre garde à ne pas considérer l’Europe comme un modèle de durabilité agricole. Son programme de durabilité est enlisé dans l’hypocrisie. Elle ne peut pas vraiment tenir ses engagements en matière de durabilité dans l’agriculture si elle exclut arbitrairement, en se fondant sur l’idéologie, l’utilisation de certaines technologies comme les pesticides et l’édition génique. Ce sont les innovations de ce genre qui favoriseront une agriculture durable.

J’encouragerais plutôt les dirigeants canadiens à se pencher sur la manière dont l’agriculture de notre pays peut se positionner en tant que véritable leader de la production alimentaire durable, et à en faire la démonstration sur les marchés d’exportation comme l’Europe, afin de soutenir la croissance dans ce secteur et dans l’ensemble de l’économie.

CropLife Canada et d’autres acteurs du secteur agricole canadien plaident activement pour que le processus décisionnel européen soit fondé sur le risque, et ils tentent de limiter toute propagation dans le reste du monde du principe de précaution et d’une approche de la règlementation fondée sur le danger. Nous devons tous rester vigilants dans la défense contre les barrières commerciales non tarifaires et les approches protectionnistes de l’Europe, car nous observons déjà un effort concerté de certains pays de l’UE pour exporter leur idéologie dans des parties du monde en développement qui peuvent difficilement se permettre de rejeter les innovations agricoles.

Le défi reste celui-ci : tenter de combattre l’idéologie par la science.

 

Le président et chef de la direction de CropLife Canada, Pierre Petelle

Partagez cette page sur :