Le monde ne peut pas se permettre une adhésion sporadique à la science
Il est universellement reconnu que les vaccins ont été parmi les innovations les plus importantes de la civilisation moderne. Ils ont contribué à la quasi-éradication de maladies dévastatrices, comme la variole et la polio. Pourtant, malgré leur incroyable succès et le consensus scientifique mondial sur leur innocuité et leur efficacité, il subsiste des problèmes de perception par le public.
Face à la crise de la COVID-19, le monde s’est réuni d’une manière vraiment remarquable pour collaborer à la mise au point de vaccins. La communauté scientifique a relevé le défi, en créant des vaccins sûrs et efficaces en moins d’un an. Et les dirigeants et les experts scientifiques du monde entier s’accordent à dire que la vaccination de la population est le moyen de nous sortir de cette pandémie.
Mais en France, où le système de santé est l’un des plus performants du monde, les hésitations de la population à se faire vacciner menacent la capacité du pays à lutter contre cette maladie. Un sondage Ipsos publié en janvier a révélé qu’en France 45 % des adultes déclaraient qu’ils refuseraient un vaccin anti-COVID-19, contre 21 % au Royaume-Uni et 30 % en Allemagne.
Selon un sondage Gallup de 2019, un Français sur trois pense que tous les vaccins sont dangereux. Malgré ces chiffres, le gouvernement français a décidé de poursuivre son programme de déploiement des vaccins et de mettre l’accent sur l’éducation et la sensibilisation quant à leur innocuité et à leur efficacité. Au grand honneur de la France, le gouvernement se range du côté de la science, car le défi auquel ce pays est confronté est trop important pour qu’on fasse autrement.
Juxtaposez l’approche de la France en matière de vaccins à son approche en matière d’agriculture, et vous vous gratterez la tête. Le monde est confronté à d’énormes défis humanitaires en ce qui concerne la sécurité alimentaire et les changements climatiques. Et tout comme la technologie et l’innovation nous aideront à surmonter la COVID-19, elles peuvent nous aider à lutter contre la faim dans le monde et à renforcer notre système alimentaire face aux conditions climatiques changeantes. Mais la France et une grande partie de l’Europe se sont longtemps opposées à la biotechnologie agricole (le même type de technologie que celle utilisée pour la mise au point de vaccins) et ont adopté des approches idéologiques pour règlementer des outils importants, comme les pesticides.
Ce genre de revirements scientifiques représente un défi pour le Canada, pays qui dépend de ses exportations. Et s’il peut parfois être tentant de se plier aux caprices idéologiques de certains partenaires commerciaux, cela équivaudrait à jouer sans fin au chat et à la souris et ne nous aiderait pas à long terme.
Bien qu’ils ne soient pas parfaits, il existe des mécanismes de protection contre les barrières commerciales non tarifaires. Le Canada devrait continuer à négocier des accords commerciaux avec des marchés d’exportation du monde entier et demander des comptes, par l’intermédiaire de l’Organisation mondiale du commerce, à ceux qui n’adhèrent pas à un commerce fondé sur des règles.
Le Canada est un leader mondial dans le domaine de l’agriculture et il possède un potentiel de croissance. Le succès de cette industrie repose en partie sur son engagement en faveur de l’amélioration continue et de l’innovation, qui a été soutenu par des processus règlementaires basés sur la science et par les agriculteurs canadiens, qui sont parmi les premiers à adopter les technologies novatrices.
L’édition génique est une innovation passionnante, qui arrive sur le devant de la scène agricole et fait l’objet de discussions au sein des organismes de règlementation du monde entier. Cette technologie peut aider à faire passer l’agriculture canadienne au niveau supérieur, en permettant de mettre au point plus rapidement des cultures résistantes aux maladies, de rendre les cultures plus résistantes aux conditions climatiques extrêmes, de créer des aliments plus sains et de contribuer à réduire le gaspillage alimentaire.
CropLife Canada et ses partenaires de la chaîne de valeur s’engagent à maintenir un dialogue ouvert sur les innovations agricoles. C’est pourquoi nous avons récemment lancé La nature cultivée, une campagne visant à mieux faire connaître et comprendre les cultures génétiquement éditées au Canada.
À mesure que la science continue de démontrer la sécurité et la valeur de cette technologie, nous avons besoin que le gouvernement du Canada ainsi que ceux du monde entier soutiennent courageusement la science en agriculture, comme ils l’ont fait pour la science en matière de vaccins. Sinon, la capacité de l’agriculture à atténuer les effets des changements climatiques et à contribuer à une plus grande sécurité alimentaire sera directement compromise. Ces défis mondiaux ne nous attendront pas.
Le président et chef de la direction de CropLife Canada, Pierre Petelle