Agriculture régénératrice : concentrons-nous sur les résultats plutôt que sur l’idéologie
Nous entendons beaucoup parler d’agriculture régénératrice ces temps-ci, mais chacun a sa propre définition de ce que ce terme signifie. Certaines définitions se concentrent trop sur les pratiques et non sur les résultats. Ce qui importe, en fin de compte, c’est la santé du sol.
Je définirais l’agriculture régénératrice comme toute approche de la production agricole qui garantit que le sol reste en aussi bonne (voire en meilleure) santé que lorsque vous avez commencé à le cultiver. Il s’agit d’un éventail d’activités et d’outils axés sur un résultat, plutôt que sur des critères à remplir. Quelle que soit la définition, l’amélioration de la santé des sols est un objectif auquel nous pouvons tous souscrire.
Le sol est le cœur de l’agriculture : une semence ne peut pousser sans un sol sain. Les pratiques agricoles modernes, y compris les produits de protection des cultures, les produits biologiques et la biotechnologie végétale, ont permis de constituer des sols à la fois plus productifs et plus résistants.
Par le passé, certaines pratiques agricoles ont entraîné une érosion et un appauvrissement des sols. Mais les pratiques agricoles ont évolué et continuent de le faire, pour devenir plus durables. Si un agriculteur des Prairies ayant vécu dans les « sales années 1930 », où d’énormes quantités de terre arable étaient emportées par le vent, pouvait voir la faible quantité qui est perdue aujourd’hui lors d’une tempête de vent, je suis sûr qu’il célébrerait le chemin parcouru.
Toutefois, il n’y a pas de ligne d’arrivée en matière de durabilité : il s’agit d’un processus d’amélioration continue. Nous sommes collectivement passés de l’élimination des pratiques néfastes pour le sol à l’adoption d’approches qui contribuent réellement à améliorer sa santé. C’est, je crois, l’essence même de l’agriculture régénératrice.
J’ai récemment rencontré en Saskatchewan un agriculteur de cinquième génération qui utilisait des outils et des pratiques agricoles modernes, régénérant efficacement son exploitation sans pour autant parler d’« agriculture régénératrice ». Comme il prévoit de transmettre sa ferme à ses enfants, il m’a dit que ce sera la première fois en cinq générations que la prochaine génération prendra le relais avec une ferme plus durable et des sols plus sains que ceux de la génération précédente. Et pour l’aider à atteindre ce résultat, il a utilisé les technologies de la phytologie (science des plantes). La majeure partie des Prairies, soit bien plus de 80 % des terres agricoles, présente maintenant un risque très faible d’érosion du sol – en partie grâce aux innovations phytologiques –, ce qui représente une grande amélioration par rapport à il y a 30 ans.
Alors, comment la phytologie soutient-elle l’agriculture régénératrice? Les pesticides et les cultures biotechnologiques ont permis aux agriculteurs d’adopter des pratiques antiérosives qui ont réduit la nécessité du travail du sol. Ce travail comprend le labourage afin d’éliminer les mauvaises herbes – une opération qui perturbe la structure du sol et le rend plus vulnérable à l’érosion et au ruissellement. Quand le sol n’est pas perturbé par le labour, la matière organique s’accumule et la santé du sol augmente.
Lorsque les agriculteurs sont en mesure de lutter contre les mauvaises herbes à l’aide d’herbicides, ils ont moins besoin de travailler ou de labourer leurs champs. Les cultures tolérantes aux herbicides leur permettent d’appliquer un herbicide directement sur la culture pour supprimer les mauvaises herbes, sans nuire à celle-ci. Avant les innovations telles que les cultures génétiquement modifiées, ils devaient labourer le champ pour éliminer les mauvaises herbes, ce qui prenait du temps, consommait du carburant et perturbait le sol.
Outre le non-travail ou le travail réduit du sol, de nombreux agriculteurs ont adopté l’utilisation de cultures de couverture en saison intermédiaire et en hiver (lorsque le climat local le permet) pour améliorer la santé du sol. Les cultures de couverture, qui ne sont généralement pas récoltées, servent à protéger le sol nu en augmentant la teneur en matière organique, en réprimant les mauvaises herbes, en conservant l’humidité, en retenant les nutriments et en limitant l’érosion.
Les innovations dans le domaine de la phytologie contribuent à la séquestration du carbone dans le sol, en plus d’améliorer sa santé. Les agriculteurs qui ont recours à des pratiques de conservation du sol sont en mesure de réduire leur empreinte carbone et de cultiver davantage sur moins de terres, en utilisant moins de ressources. En produisant plus de nourriture sur une superficie moindre, nous pouvons laisser des espaces verts intacts et préserver la biodiversité. Les pratiques agricoles régénératrices, qui font appel à des outils modernes, jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les changements climatiques. En Saskatchewan, l’impact net de l’agriculture sur les GES a diminué de 98 % [1] de 1996 à 2016, à mesure que les agriculteurs adoptaient le semis direct et le travail de conservation du sol.
Certaines personnes pensent que l’agriculture régénératrice ne peut être réalisée qu’en rejetant la technologie, mais ce n’est tout simplement pas vrai – cela aurait, en fait, l’effet inverse. Même si les débats sur les différentes pratiques vont se poursuivre, nous ferions mieux de nous concentrer sur les résultats que nous essayons d’atteindre. Bien que les définitions de l’agriculture régénératrice varient, on s’accorde généralement à dire qu’elle vise à :
- maintenir ou améliorer la santé des sols;
- maintenir ou améliorer la productivité à long terme des sols du Canada;
- améliorer la résilience de l’agriculture face aux sècheresses, aux inondations, aux ravageurs et aux changements climatiques;
- maintenir ou améliorer la rentabilité du secteur agricole;
- contribuer à la production de carburant et de fibres propres et d’aliments sains pour répondre aux demandes des Canadiens et de nos clients internationaux.
Les entreprises alimentaires mondiales sautent sur cette tendance, et il est important que l’agriculture canadienne fasse partie de la conversation sur l’agriculture régénératrice. Des annonces récentes de PepsiCo, General Mills et McCain montrent l’impact que ce terme a dans le monde entier. La conversation est en cours, et nous devons y participer.
Il existe de nombreuses façons d’améliorer la santé des sols. Pour pouvoir à la fois répondre à la demande croissante de la population mondiale et mettre le cap sur la durabilité à long terme, les agriculteurs devront avoir accès à tous les outils disponibles. Comme n’importe quel agriculteur vous le dira, il n’y a jamais deux années identiques à la ferme et aucune solution ne fonctionne chaque année.
Si les partisans de l’agriculture régénératrice ont vraiment à cœur d’obtenir des sols plus sains pour une planète plus saine, il est totalement injustifiable de s’opposer aux outils et technologies modernes qui peuvent nous aider à y parvenir. Les faits ont clairement démontré que les technologies phytologiques jouent un rôle important dans notre quête collective de sols plus sains et d’un secteur agricole plus résilient.
Le président et chef de la direction de CropLife Canada, Pierre Petelle
[1]The Value of Plant Science Innovations to Canadians in 2020, RIAS Inc.